Évidences archéologiques de rites non-chrétiens dans la partie serbe de la région danubienne au Moyen âge

Résumé

Dans les strates des habitats datées des XII^e et XIII^e siècles, dans trois forts frontaliers byzantins le long de la partie serbe de la région danubienne (Morava, Braničevo et Egeta), on a attesté archéologiquement des offrandes rituelles d’oiseaux qui ont précédé la construction de divers bâtiments. En fait, les récipients en céramique entiers ont été posés à l’envers dans les fosses et à leur intérieur il y avait des restes de squelettes des poules de différents âges. Le pouvoir magique du rite était encore plus amplifié par d’autres offrandes, telles que des couteaux et des clous en fer, tandis qu’à une occasion de petits objets amorphes en verre ont été également découverts.

De nombreux exemples similaires de dépôts de fondation ont été découverts partout en Europe aux XII^e et XIII^e siècles. Comme les rites mentionnés ont été liés aux croyances populaires qui, contrairement à la religion officielle, n’avaient pas de normes strictes, de nombreuses variations se sont produites. Par exemple, les récipients étaient généralement placés à l’envers, mais certains ont été placés sur leur fond et couverts de fragments d’un autre récipient en céramique. En ce qui concerne des animaux sacrifiés, il s’agit principalement de poules et de coqs, ainsi que d’oies et d’oiseaux aquatiques, parfois d’œufs, de brochets, de chiens ou de chats, et le pouvoir magique était encore plus amplifié par diverses offrandes supplémentaires. La pratique dudit rite était toujours liée aux temps turbulents. Il est intéressant de noter que dans les Balkans centraux il n’y a pas de traces archéologiques de ce rite pendant la période allant de la fin du V^e au début du VII^e siècle. C’était l’époque où une organisation ecclésiastique ferme fonctionnait dans cette région et où les coutumes chrétiennes étaient strictement respectées. La chute de l’État byzantin au début du VII^e siècle ainsi que l’installation de nouveaux peuples ont conduit à l’abandon des coutumes chrétiennes ou à leur interprétation et la mise en œuvre arbitraires. Par conséquent, au début de la période médiévale sur le territoire de la partie serbe de la région danubienne, le sacrifice d’animaux se passait souvent lors de la construction des bâtiments.

Le rétablissement du règne byzantin dans les Balkans centraux au début du XI^e siècle a conduit à l’ancrage définitif du christianisme et à l’abandon d’éléments païens dans la pratique funéraire. Cependant, pendant le XII^e siècle mouvementé, marqué par les conflits intenses entre Byzance et les Magyars dans la partie serbe de la région danubienne, la pratique des rites non chrétiens lors l’enterrement de dépôts de fondation, s’est de nouveau produite. Désirant d’assurer la sécurité, la paix et le salut en temps de crise, la communauté chrétienne a demandé non seulement l’intervention de Dieu, mais aussi l’aide d’autres « forces supérieures ». Bien que le caractère des croyances populaires et les normes chrétiennes de l’église officielle aient été à première vue complètement opposés, il faut garder à l’esprit le fait que pendant le Moyen âge les croyances populaires et le christianisme n’étaient pas en contraste complet. En fait, les éléments préchrétiens et chrétiens n’étaient pas deux faces opposées, mais ils ont tous formé les croyances dans les communautés chrétiennes. Considérant le fait que dans les deux cas l’adhésion aux certaines normes de comportement est en fait basée sur les croyances personnelles de chaque individu, le choix de ce en quoi quelqu’un va croire est étroitement lié aux défis de ce moment historique particulier et à son choix de rites qu’il/elle croit pouvoir apporter une aide.